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Soutenance de thèse de Yael Armangau
14h00
Maison de la recherche - salle D29
Yael Armangau, Doctorant au LISST-CERS
Le lien social à l’épreuve du genre.
Les parcours trans, de la disqualification aux recompositions des solidarités
Thèse de sociologie
Jury :
Julien Figeac, Directeur de recherche, CNRS, co-directeur
Michel Grossetti, Directeur de recherche, CNRS, co-directeur
Laurence Hérault, Professeure des universités, Aix-Marseille Université
Virginie Julliard, Professeure des universités, Sorbonne Université
Wilfried Rault, Directeur de recherche, INED, rapporteur
Marlène Sapin, Chercheuse senior, Université de Lausanne
Ingrid Voléry, Professeure des universités, Université de Lorraine, rapportrice
Résumé :
Cette thèse questionne les effets des parcours de transition de genre sur les liens sociaux, à partir d’une méthode mixte mobilisant entretiens, questionnaires et ethnographie en ligne. Elle envisage l’entrée en transition comme une bifurcation biographique, amorçant un processus de disqualification sociale susceptible de fragiliser ou de rompre les liens sociaux. L’analyse des annonces de la transition (coming-out) marque une première fragilisation, souvent suivie par l’expérience d’un continuum de violences (morales, médicales ou sexuelles) qui s’exercent dans l’ensemble des sphères sociales. Si ce processus de disqualification sociale est ancré dans le cisgenrisme, son intensité varie selon les rapports sociaux qui structurent ces trajectoires : certaines personnes vivent une disqualification intense, cumulant les ruptures et l’absence de soutien, tandis que d’autres en sont relativement protégé·es.
Ce travail cherche à mieux comprendre comment les personnes trans accèdent au soutien social en lien avec leur transitude après cette première phase de disqualification ; aussi bien depuis le renouvellement des ressources relationnelles que depuis la fréquentation d’espaces en ligne. Il révèle quels sont les liens sociaux qui assurent un soutien émotionnel, informationnel, instrumental ou de mise en réseau lors des différents temps qui rythment une transition. Ainsi, les personnes trans s’équipent pour faire face au cisgenrisme aussi bien par une redistribution des soutiens et des attaches sociales que par une réification des rôles relationnels, en particulier ceux des mères.
Cette thèse introduit la notion de « care trans » afin de qualifier les formes spécifiques de soutien développées dans les espaces de sociabilité trans (aussi bien hors ligne qu’en ligne), marqués par l’écoute, la réciprocité et la co-construction d’alternatives aux modèles de solidarité traditionnels. Ce « care trans », bien qu’inégalement accessible et structuré lui-aussi par des rapports de domination, constitue une réponse collective aux expériences de la disqualification. En filigrane, cette thèse invite à repenser la solidarité sociale en apportant une attention particulière aux manières dont certaines présences, parfois ténues ou ambivalentes, rendent possible de « tenir » dans le temps.
Pour conclure, la thèse souligne ainsi que si la transitude renvoie à une expérience de disqualification sociale marquée par des ruptures et des violences, cette expérience est également un terrain de réinvention des liens sociaux, par l’émergence de nouvelles formes de présences et de manières de prendre soin. En articulant les apports des études trans avec ceux de la sociologie des parcours de vie, des réseaux, du numérique et du genre, cette recherche contribue à une compréhension plus fine des mécanismes de solidarité et d’exclusion sociale, tout en invitant à ne pas homogénéiser des réalités façonnées par les rapports sociaux (en particulier d’âge et de genre).
Contact : Yael ARMANGAU